SÉNÉGAL: QUE PENSER DE LA CRISE DANS LES PARTIS ?

macky_tanor_niasse

Il y a deux types de partis au Sénégal. Ceux créés dans la foulée des luttes pour l’indépendance nationale et durant les années de plomb sous Senghor jusqu’à la naissance du PDS. Ce sont des partis créés sur la base de valeurs d’indépendance nationale, de la République démocratique, du pan-africanisme, et du socialisme. Même le PDS est né sous la bannière du « travaillisme » avant qu’il ne soit obligé de s’engouffrer dans le « libéralisme » par Senghor, révélant ainsi le peu de cas qu’il donne aux valeurs dont il se réclame, et qu’il peut changer au gré des circonstances selon ses intérêts propres.

C’est ainsi que le PDS, de parti de militants s’est transformé peu à peu en « propriété privée « de son fondateur qui est devenu la seule « constante ». C’est à l’image du PDS, que les partis qui sont nés après la grave crise politique de 1988, qui a engendré le premier gouvernement de coalition en 1991 et les avancées démocratiques, dont le Code électoral consensuel de 1992.

Ce sont des partis crées autour d’un homme qui se crée une clientèle politique organisée en parti politique. Ainsi, autant la première catégorie de partis relève des types d’organisation démocratique dont les leaders à tous les niveaux sont élus par des instances appropriées dûment convoquées, autant la deuxième catégorie relève des types d’organisation autocratique, dont les dirigeants sont désignés par le fondateur qui prend en charge sur ses moyens propres, les coûts inhérents à la vie et au fonctionnement du parti.

Les crises, donc, dans ces deux types de partis sont de nature différente. Les premiers peuvent être confrontés à des tentations de parachutage de fidèles lors des renouvellements des dirigeants dans les instances de base, auxquelles répondent des attitudes de « blindage » qui créent des clans au sein du Parti. C’est cela qui est à l’origine des crises connues par le PS. D’autres, dans cette première catégorie de partis, ont connu des crises d’orientation idéologique, comme le PAI les a connues, et/ ou politique comme le BMS devenu RND, les partisans de Dia dans le MSU, et And Jef les ont vécues. Par contre, les crises dans les partis de la deuxième catégorie, relèvent de la défiance de l’autorité du fondateur. Donc, traiter les crises dans les partis de la même façon, et n’y voir que les mêmes causes, est non seulement réducteur, mais n’est fondé sur aucun fait historique ou contemporain dans la vie des partis politiques au Sénégal.

Le fait que les partis de la deuxième catégorie sont de loin les plus nombreux, ne devrait pas autoriser à faire de l’amalgame dans l’analyse des crises que traversent les partis. Ces crises ne sont pas artificielles, mais sont la répercussion en leur sein, de la grave crise économique, sociale, et culturelle qui secoue notre pays depuis des décennies sans parvenir à en sortir de façon significative et durable. C’est donc se faire des illusions que d’attendre un « sauveur suprême », en la personne du « PATRIOTE », que tout un chacun pense pouvoir incarner en créant son propre mouvement, ou son propre parti autour de sa personne. C’est donc être adepte de la reproduction du modèle de partis politiques, reconnu unanimement, comme le véritable facteur bloquant de notre société, dont les « puissances locales d’argent »,  avec leurs soutiens extérieurs, se disputent la direction politique. C’est cela qui est à l’origine, sous le règne de Wade, de l’explosion du nombre de partis politiques. Cette perversion de la vie politique n’a pas épargné les organisations et mouvements de la société civile qui sont nés à partir des conquêtes démocratiques de notre peuple dans le cadre du premier gouvernement de coalition de 1991. D’où leur prétention à vouloir prendre le relais des partis, pour diriger le pays. C’est tout cela qui est à l’origine de la crise morale qui sévit dans notre pays et qui a déboussolé la jeunesse embarquée dans des prétentions « d’Alternance générationnelle », et les femmes, dans le « leadership féminin », substituant ainsi la lutte des couches sociales (hommes, femmes et jeunes), marginalisées, et/ou spoliées et/ou exploitées, en une lutte de classes d’âge, et/ou de genre.

C’est tout cela qui a contribué à affaiblir le mouvement de libération nationale, économique, culturelle, et sociale de notre peuple dans toutes ses composantes d’hommes, de femmes et de jeunes, et à maintenir notre pays dans la dépendance, et l’écrasante majorité de nos concitoyens dans la misère et les maladies endémiques, qui deviennent « un bétail électoral » de nos « puissances locales d’argent  » dans les partis politiques et la société civile. La crise dans les partis dont on se moque allègrement, n’est en fait que l’iceberg de la profonde crise de notre société, dont il faut prendre la pleine mesure de ses causes véritables, pour pouvoir trouver les voies et moyens de l’en sortir.

C’est l’ambition des Partis et organisations du premier type, de gauche, qui veulent  mettre sur pied une puissante Fédération des Forces de Gauche, n’en déplaise aux sceptiques, et autres pourfendeurs professionnels souvent au service des « puissances d’argent » qui y voient le cauchemar de leur vie.

IBRAHIMA SENE


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