LA DANSE DES MAUX

L’opposition entre le discours du candidat et la pratique du Gladiateur élu, a d’abord surpris ses partisans. Convaincus qu’il était gêné dans sa volonté exprimée de changement lors de la campagne, par une bande de souteneurs de la vingt-cinquième heure, ils ont longtemps prôné son sevrage à défaut d’un divorce avec une classe politique représentée par des dinosaures. Mais le Gladiateur a fait mieux que le sevrage ou un divorce à haut risque.

Comme un berger expérimenté, il a usé d’une calebasse bruyante pour les apprivoiser avant de les entrainer habilement dans un enclos et de les y verrouiller à double tour. Contre les jeunes ayant échappé au piège et les briscards toujours méfiants face à ce type d’appel, il a usé de la force publique pour les mettre hors d’état de … s’opposer à sa volonté. Aujourd’hui, la coalition arc-en-ciel qui l’a mené au pouvoir a bel et bien viré au marron, le laissant comme seul commandant et responsable du navire.

Les scores engrangés lors de sa tentative de révision,  préférée à la réforme des institutions proposée par les Assises Nationales puis la CNRI, prouvent qu’il ne dispose pas de majorité numérique indispensable pour continuer l’aventure à la tète du royaume. Et s’il n’est pas majoritaire, c’est qu’il est alors minoritaire logiquement parlant. Il n’est cependant pas minoritaire par rapport à un parti politique ou à une coalition de partis, mais parce que la majorité des Goorgorlus n’adhère pas à son offre réelle et sa pratique politique.  Les élections législatives prennent dans ces conditions,  des dimensions d’un combat pour sa survie.

Goorgorlu s’attendait à une opposition patriotique instruite de la réalité profonde de Ndoumbélaan pour proposer un programme alternatif. Mais c’était sans compter avec la diversité de ce corps de tirailleurs, la subtilité de son propos et l’instabilité de ses humeurs.  Non seulement elle ne s’est pas engouffrée dans la brèche, mais sa tentative avortée de faire bloc,  s’est heurtée aux appétits de pouvoir des uns et des autres, et à l’appétit tout court de la nouvelle vague surgie à ses flancs, aux objectifs plus alimentaires que politiques. Ceux qui regrettent l’émiettement de l’opposition sont donc malheureusement loin, très loin de la logique qui met en mouvement ses différentes composantes.

Si les élections législatives de Ndoumbélaan pouvaient être comparées à un championnat, la présidentielle en serait assurément la ligue des champions. C’est pourquoi, l’objectif des ténors n’est pas de les gagner mais plutôt de figurer au moins à une bonne place synonyme de qualification à la prochaine présidentielle. Bien sûr, rien n’interdit encore la présence de cinquante candidats à ces joutes, mais les candidats crédibles seront forcément ceux du quarté venant issus des législatives.

Voter n’est donc pas un « devoir citoyen pour élire ses représentants à la fameuse chambre » où les nouveaux élus continueront d’applaudir ou de se crêper les chignons quel que soit par ailleurs l’ordre d’arrivée. Et ce n’est pas toujours la qualité du député qui est en cause, mais bien celle de nos institutions qui ne lui donnent pas d’autres choix que d’applaudir ou de déverser sa bile. Voter dans ces conditions c’est simplement apporter son soutien à un candidat pour lui garantir une survie politique.

Condamné pour hauts faits de vol de deniers publics et interdit de circulation du territoire pour une durée déterminée par un protocole nocturne dont il est le cosignataire, le rejeton de l’Empereur reste malgré tout, le candidat déclaré du parti hérité de son père. En concurrence avant tout, avec les candidats sur le territoire national (en prison ou en liberté conditionnelle), son exil serait une des raisons de la présence de l’Empereur déchu dans l’arène malgré son âge très avancé. En plus de la haine (justifiée ou non) qu’il voue au Gladiateur, le baroud d’honneur de l’Empereur déchu s’inscrit dans la logique de qualification de son rejeton, sa volonté de lui assurer une bonne place dans la grille de départ. D’ailleurs, en l’absence de sondages crédibles, les foules qu’il draine sur son passage laissent penser qu’une pool-position au grand prix de Ndoumbélaan 2019 ne serait pas une surprise.

Malgré les discours virulents, ponctués de scènes d’intifadas tropicales, aucune coalition ne s’est engagée à améliorer nos institutions, à se prononcer sur la CNRI.

Les résultats de ces élections n’affecteront donc en rien les fondamentaux de Ndoumbélaan et le sort de Goorgorlu restera inchangé. Bien sûr, une éventuelle victoire de l’opposition telle qu’elle est structurée constituerait très certainement une gêne pour le Gladiateur en tant que personne. Mais elle ne remettrait pas en cause la façon de gouverner du Président de la République parce qu’elle ne s’est pas engagée à réformer les institutions. Gagner ces élections à 90 % pour cette opposition là, ne représenterait tout au plus qu’à partager un billet de 10 000 francs en autant de morceaux en laissant 1000 francs aux partisans du Gladiateur. Faites votre choix !

Principal vivier social du Gladiateur d’où il tire l’essentiel de ses nouveaux adhérents appelés transhumants, l’opposition passe désormais pour une armée de réservistes prêts à endosser l’uniforme en tout temps et en tout lieu, ou à tendre la gamelle ….  Pour un peu plus de riz.

Son discours non programmatique est inconstant, de plus en plus crypto-personnel et donc chargé. Suffisant pour mettre à l’aise le Gladiateur au dessus de la mêlée, laissant de seconds couteaux entretenir cette querelle de clochers.

Confiant sans être serein, il se prépare à danser un wango historique, même si l’ombre de plus en plus probable d’une « défaite humiliante » (sic), plane sur la tête de ses candidats dans la capitale. En attendant, ses partisans sillonnent le royaume et dilapident des milliards (encore mal acquis ?), trichent en se payant au nez et à la barbe de la CNRA des publi-reportages à la télé  tout en menaçant de mettre en prison d’inoffensifs candidats au BFEM … déjà malheureusement sur leurs traces.

Les chroniques de Bandia, Juillet 2017


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