Par Bassirou S. NDIAYE
Le Gladiateur sans gagner de batailles significatives sur le front économique et social, détient encore l’initiative politique. En imposant ses points de vue sur les questions majeures, c’est toujours lui qui définit l’heure, et le lieu de chaque affrontement à Ndoumbélaan. Son arsenal juridique et répressif lui a permis jusqu’ici de prendre le dessus face à des oppositions sur la défensive, clouées dans des tranchées sociologiquement poreuses, idéologiquement friables, économiquement mal définies et politiquement inconciliables.
C’est dans cette atmosphère que la campagne électorale va démarrer, après une période de doute et d’invectives sur fond de négociations et de retrouvailles entre « frères » le plus souvent à coup d’espèces sonnantes et trébuchantes d’une part, de séparation et de divorce d’autre part, entre « camarades » debout, couchés, aphones et/ou armés de « daas fananal ».
Progressivement, les politiques vont envahir l’arène. Si le décor planté était comparable à un marathon, on y identifierait :
- Un organisateur-compétiteur chargé de dicter les règles du jeu et les critères de qualification de ses concurrents ;
- Des lièvres présélectionnés comme des figurants pour rehausser la course, et/ou lui donner un semblant de légitimité ;
- Un commissaire assermenté qui jure de tout faire pour que la victoire revienne à son athlète ;
- Des arbitres incompétents (comme toujours), pour se prononcer sur la régularité de la course, mais disposés à en valider les résultats ;
- Des compétiteurs aguerris à coté de simples outsiders ;
- Des spectateurs, supporteurs et simples amateurs de jeu.
Ce sera dans cette atmosphère que le combat truqué aura lieu, dans l’indifférence de la communauté internationale qui se hâtera de féliciter « son » vainqueur et de condamner toute forme de contestation au nom du respect du jeu démocratique.
Si le décor était une corrida, on y identifierait :
- Un torero équipé et paré pour la circonstance ;
- Un taureau à visage multiple chargeant sans distinction sur tout ce qui bouge en oubliant le porteur de l’épée fatale à son existence ;
- Un matador aussi, pouvant s’identifier comme un sbire en tenue, tueur de manifestants ou gardien de camp de concentration pour les récalcitrants.
Dans ce jeu macabre, la colère et les frustrations, nées du croisement inéluctable de cumulus matériel et de nimbus moral, enfantera sans aucun doute d’orages de violence et de haine. Il est donc naïf de s’attendre à un combat à la loyale. Ce n’est pourtant que la face qui cache le duel dont l’issue façonnera le destin proche d’hommes et de femmes, de générations présentes et futures.
Jusqu’où peuvent bien aller nos politiques ? Bien sur à l’autre rive. Toujours en quête d’herbe plus fraiche, le cheptel politique transhumera avant, pendant et après les joutes. Il se bousculera pour traverser cette période d’incertitude comme la faune du Séringuetti, en abandonnant aux crocodiles de la rivière Mara, ses éclopés et ses plus faibles, sous entendez les scrupuleux. Il nouera des alliances sans lendemain, même avec le diable, fera des promesses vite jetées aux poubelles de l’histoire telle qu’il a fait des Assises Nationales.
Loin des préoccupations de Goorgorlu, la recherche d’alliance, et plus précisément de parrain parmi les « grands » de ce monde, s’est invitée comme le prisme le plus probant à travers lequel il faudra désormais lire les déclarations isolées de nos principaux prétendants. Si le Gladiateur s’est illustré en se considérant comme un allié historique de l’impérialisme français qui servait des desserts à ses ancêtres à coté de ses frères africains condamnés au riz sans sauce, l’ancien spermatozoïde et futur cadavre, a choisi de plonger dans la mare aux crocodiles en défiant les ayatollahs et les mollahs dans leur milieu de prédilection.
Extrait de son contexte politique, la déclaration du Gladiateur pourrait légitiment susciter le courroux qu’aurait pu déclencher un israélien niant ou trouvant une excuse à l’holocauste. Mais l’interpréter comme une simple erreur de communication relève de la naïveté politique. Il s’agit en effet d’une prise de position politique qui se démarque de toute forme de solidarité africaine, visant à faire comprendre que Ndoumbélaan sous son magistère, a choisi « son ami » au détriment de ses frères, dans le combat en gestation pour l’éradication de la monnaie coloniale qui nous rive au char de la domination.
Tous les musulmans connaissent la mosquée Al-Qiblatein ou mosquée des deux Qiblas. C’est en l’an II de l’Hégire que le prophète reçoit la révélation lui ordonnant de se tourner dorénavant vers la Kaaba, lors des prières, au lieu de Jérusalem. Depuis ce jour la Qibla correspond à la direction de la Kaaba. Ce fait historique suffit à lui seul à clore tout débat sur la qibla. « Tourne donc ton visage dans la direction de la Mosquée sacrée. Où que vous soyez, tournez votre visage dans sa direction » (« La Vache », II [archive], 144) ».
La déclaration de l’ancien spermatozoïde et futur cadavre ne peut donc être un débat théologique mais une simple prise de position politique s’adressant plus à l’auteur des « pays de merdes » et à ses alliés qu’à son peuple ou à ses coreligionnaires.
Le battage médiatique autour de l’auteur de la controverse, accusé à tort ou à raison d’apostasie, au « nom de dieu » lapidé par une caste politico religieuse drapé du manteau de guides religieux qui s’acharne à travers les réseaux sociaux à lui contester sa foi est-il simplement excessif ? La frontière est en tout cas floue entre la bonne foi de défenseurs autoproclamés de l’orthodoxie, le politiquement naïf, et/ou le volontairement partisan.
Ce documentaire à l’affiche qui met en veilleuse le long métrage de sa vie de calvaire irrite au plus haut point Goorgorlu. Pourquoi en effet toute cette agitation quand :
- De jeunes pousses en quête de repas sont fauchées sur le perron des restaurants pendant que des caravanes avec une calebasse de « kousse » pleine de trésors tirés de la caverne d’Ali Baba, sillonnent le pays pour promouvoir des « entreprises rapides» à travers un programme, ironie du sort baptisé la « DER » ;
- Des milliards sont distribués à des affidés choisis tout en restant sourd aux bons impayés dus aux braves paysans qui l’avaient élu, aux étudiants aux portes des établissements privés, et aux travailleurs de la santé et de l’éducation ;
- Même l’armée heureusement unie par l’amour d’un drapeau au nom duquel ses enfants meurent et se mutilent sans jamais reculer, baisse la tête dépitée par un pouvoir qui tire sur les moignons (de rescapés des grandes batailles nationales) tendus en quête de pain et d’un peu plus de dignité ;
- Un jeune loup coupable de génocide économique à son échelle, dans une de ces multiples agences érigées en niches de prédation des ressources nationales se fait prier pour rester dans les rangs ;
- Les Assises Nationales ont fêté leur dixième anniversaire dans le nid où elles avaient été pondues, ignorées par la plupart de leurs géniteurs comme un enfant illégitime ;
Goorgorlu vous dit simplement, Cipiri ! gnaak fayda !
BANDIA, JUIN 2018