
«il se peut que le pic soit dépassé, auquel cas un second n’est pas exclu à ce rythme !»
Le coronavirus poursuit sa propagation dans notre pays où il tue silencieusement.
Hier encore, deux patients ont perdu la vie. L’un est âgé de 70 ans et l’autre a 86ans. Au cours des examens effectués hier,124 cas sont revenus positifs alors que 18 patients sont toujours dans un état critique entre les mains des services de réanimation. Interrogé par Le Témoin, le médecin Dr Mohamed Lamine Ly a indiqué qu’il faudrait s’attendre à l’augmentation des cas avec la levée des restrictions.
A cet effet, il a estimé que le ministre a peut-être raison sur le pic qu’il avait annoncé l’autre semaine. Selon lui, il se pourrait que ce pic soit passé et qu’on soit dans une autre phase avec la levée des mesures.
La pandémie a encore causé, hier, des morts au Sénégal. Deux personnes ont perdu la vie et plus de 100 cas sont revenus positifs des tests virologiques. C’est ce qu’a annoncé le ministre de la santé et de l’Action sociale. sur les 1205 tests réalisés, 124 sont revenus positifs, soit un taux de positivité de 10,2 %, un taux qui a battu le record des autres jours de la semaine dernière.
Parmi les 124 cas, les 109 sont des contacts suivis par les services du ministère de la Santé et de l’Action sociale et les 15 autres sont issus de la transmission communautaire répartis entre Mbao (4), Guédiawaye (2), Pikine (1), Maristes (1), Yeumbeul (1), Grand-Yoff (1), Dieuppeul (1), Yarakh (1), Ziguinchor (1) et Touba (2). on annonce ainsi que 76 patients hospitalisés ont été contrôlés négatifs. Autrement dit, ils sont guéris.
Mais, 18 autres patients sont dans un état critique et pris en charge par les services du ministère. quant à l’état de santé des autres patients, comme d’habitude, le ministère rassure qu’il est stable. Ainsi, à ce jour, le Sénégal compte 4642 cas qui ont été déclarés positifs depuis l’apparition de la pandémie.parmi lesquels 2885 ont été guéris, 54 sont décédés et 1702 sont sous traitement.
« Une courbe constante » selon Dr Mohamed LY
Selon le médecin Dr Mohamed lamine Ly, l’épidémie est toujours dans une courbe constante. « pour moi, la situation est en plateau depuis plusieurs semaines. On ne peut pas dire qu’elle a changé radicalement depuis la levée des restrictions. Avant de parler d’un changement, il faut qu’il y ait, sur plusieurs jours, une augmentation sensible des cas. or, on est toujours dans la fourchette des 90, 100, 110, 120 etc. C’est plutôt en plateau, il n’y a pas d’accélération », a-t-il expliqué. A cet effet, ce spécialiste de santé publique souligne qu’il ne faut pas qu’on se leurre : « avec la levée des restrictions, il faut s’attendre effectivement à une augmentation des cas communautaires. parce que les gens circulent plus à Dakar et pire encore, se déplacent vers l’intérieur du pays », a-t-il averti.
Par ailleurs, sur la fiabilité des tests qui ne reflèteraient pas l’ampleur de la pandémie, Dr Ly souligne qu’il faudra un échantillonnage pour avoir la situation générale. « les tests actuels ne permettent pas de saisir la totalité de la réalité et il y a une partie que nous ne maitrisons pas dans l’épidémie. On a la partie visible de l’iceberg, mais il y a des cas positifs qui sont asymptomatiques, donc qui ne peuvent ne pas être pris en compte dans les statistiques. De ce fait, il faudrait faire des échantillonnages ou des dépistages aléatoires pour avoir une meilleure idée de la prévalence du virus dans le pays », a-t-il fait savoir.
Pour les cas dits asymptomatiques, il indique qu’on ne peut affirmer de façon péremptoire qu’ils ne sont pas contagieux. «C’est vrai qu’il y a des éléments nouveaux
consistant à dire que ces cas ne sont pas contagieux. Mais les chercheurs de l’OMS, eux-mêmes, ne sont pas sûrs de ça. C’est juste une hypothèse », a-t-il avancé. Revenant sur les tests que le ministère a confiés à des instituts depuis le début de la pandémie, Dr Mohamed Ly exprime sa satisfaction par rapport au travail fait. «les tests PCR sont quand même plus sensibles et plus spécifiques. On se félicite vraiment des tests donnés récemment au ministère, qui va les utiliser dans le cadre de son schéma de dépistage. Les tests PCR sont lents mais plus spécifiques que ceux rapides » précise notre interlocuteur.
Évoquant le pic de la pandémie annoncé depuis plus d’une semaine par le ministre Abdoulaye Diouf Sarr, le médecin en santé publique, Dr Ly, indique que c’est bien possible que le pic soit effectivement dépassé, tout comme il est possible qu’on ne l’ait pas atteint. Car, au rythme où vont les choses, on pourrait parler d’un second pic. « Rien ne garantit qu’on ait déjà atteint le pic. Il faut parfois qu’on soit humble et modeste. C’est vrai que le ministre n’est pas médecin, mais il a des sources de renseignements en tant que ministre de tutelle que moi je n’ai pas. D’après ma petite expérience, rien ne garantit qu’on ait atteint le pic, parce qu’il y a une circulation active du virus actuellement. on peut bel et bien dépasser les chiffres de la semaine dont il a parlé. C’est très possible que ces chiffres soient dépassés. Ce sera le vrai pic ou un second pic », selon l’ancien patron de la polyclinique de Dakar.
Dans la même dynamique, le Dr Mohamed Ly est revenu sur les raisons pour lesquelles le continent noir a subi moins de dégâts que d’autres parties du monde. « En Afrique, nos populations sont plus jeunes. Or, on a remarqué que la maladie tuait les personnes âgées. Chez nous, très peu de personnes atteignent les 70 ou 80 ans parce que beaucoup meurent très tôt. Donc, notre espérance de vie est moins élevée que dans les pays européens. Il y a aussi le niveau d’urbanisation à savoir que les gens entrent plus en contact dans les pays européens que chez nous. Il y a des trains, des métros, des aéroports. là-bas, les gens ont plus d’occasions d’être en contact et de se contaminer. En Europe ou en Amérique, on peut circuler sur plusieurs centaines de kilomètres en une journée. Une personne infectée peut aller contaminer d’autres, loin de sa ville.
Le médecin a aussi expliqué les causes qui ont fait foirer les mesures de restrictions prises pour stopper le virus. « Quand on fait des restrictions, il faut des mesures d’accompagnement. On ne peut pas demander à des commerçants, des transporteurs qui font des voyages interurbains, de se confiner, sans mesures d’accompagnement. Le président de la république a fait un programme de résilience économique et social. Donc, l’argent débloqué aurait dû être utilisé pour ça. pour qu’on puisse dédommager les gens qui ont un manque à gagner, parce qu’ils doivent rester à la maison sans circuler.
Mais si l’on a l’argent et qu’on ne dédommage pas les gens, on sera contraint de faire face à la réalité économique », a conclu le Dr Mohamed ly.
Samba DIAMANKA,
Journaliste au Témoin