Emna AOUIJ du groupe de travail du conseil des Droits de l’Homme de l’ONU : « Le Sénégal ne peut aspirer au développement sans une participation inclusive des femmes »

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«Les préoccupations relatives aux droits des femmes ne sont pas toujours prises en compte dans les lignes budgétaires tant au niveau national que dans les collectivités locales », a déclaré, hier, la présidente du groupe de travail de l’Onu sur la question de la discrimination à l’égard des femmes dans la législation et la pratique, Emna Aouij. Elle s’exprimait au terme d’une visite  effectuée au Sénégal  du 7 au 17 avril  2015 dans les  régions de Dakar, Kaolack, Diourbel et Thiès.

Après  le Maroc, la Tunisie, la Moldavie, l’Islande, la Chine, le Chili, le Pérou et l’Espagne, c’était au tour du Sénégal de recevoir la visite  du Groupe de travail du Conseil des droits  de l’homme de l’Onu sur la question de la discrimination à l’égard  des femmes dans la législation et la pratique.
Au terme de cette visite de 10 jours à Dakar,  Kaolack, Diourbel, Thiès, Yeumbeul, Pikine et Fandène, la présidente du Groupe de Travail Emna Aouij a partagé, hier, avec les journalistes, les conclusions préliminaires de ladite visite sur  les questions liées à la discrimination contre les femmes dans divers contextes.
Saluant  les efforts déployés par le Sénégal pour renforcer son cadre légal concernant la promotion et la protection des droits humains des femmes et l’égalité de genre, notamment la loi de 1999 réprimant différentes formes de violences basées sur le genre,  la loi de 2008 sur l’égalité de traitement fiscal, la loi de 2010 sur la Parité et la loi de 2013 sur la nationalité ainsi que les stratégies et programmes développés, le Groupe de Travail a cependant regretté que dans son Plan Sénégal émergent, le gouvernement n’ait pas adopté des objectifs visant explicitement l’égalité de genre.
Selon la présidente du groupe de travail de l’Onu, Emna Aouij, le Groupe a pu constater que les préoccupations relatives aux droits des femmes ne sont pas toujours prises en compte dans les lignes budgétaires tant au niveau national que dans les collectivités locales.
A l’en croire, le Sénégal a ratifié, sans aucune réserve, presque tous les instruments internationaux et régionaux des droits de l’homme et a réaffirmé sa volonté d’assurer l’application effective de la Convention sur l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (Cedef) par la ratification, en 2000, de son Protocole facultatif. Mais elle a souligné que le Groupe est au grand regret de constater qu’entre 1994 et 2013, le Sénégal n’ait pas présenté ses rapports périodiques au Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes.

Freins à la réalisation de l’égalité des genres
« Tous les acteurs rencontrés ont affirmé, de manière unanime, que le Sénégal ne pouvait aspirer au développement sans une véritable participation inclusive des femmes, mais l’inégale répartition des rôles et des responsabilités dans la division du travail ainsi que le maigre pouvoir économique des femmes accentue la féminisation croissante de la pauvreté », a précisé Mme Emna Aouij.  De même, elle a fait savoir que de nombreuses contraintes légales mais surtout socioculturelles représentent un frein à la réalisation de l’égalité des genres.
Le Groupe de Travail a  aussi regretté de constater que le Code de la Famille établit l’âge légal du mariage pour la fille à 16 ans et 18 ans pour l’homme. « Aucune sanction pénale n’est prévue pour les responsables permettant le mariage précoce », s’est désolée Mme Aouij. Pour elle, il est inadmissible que sous le prétexte  de la tradition, des coutumes et autres que des filles et des femmes voient leurs droits fondamentaux bafoués qu’elles soient violentées ou abusées.  En ce sens, elle  a insisté sur la nécessité de modifier certaines dispositions légales. En effet, le Groupe a recommandé d’élever l’âge légal du mariage pour la femme à 18 ans et de prévoir une nouvelle disposition dans le Code Pénal qui réprime le mariage précoce. L’experte de l’Onu  a par ailleurs souligné que la santé des femmes au Sénégal est gravement affectée par les mauvaises conditions d’hygiène, les contraintes d’accès à l’eau et surtout à l’eau potable, le manque d’information et de maîtrise de leurs droits et santé sexuels et reproductifs.
La présidente du Gt de l’Onu a demandé  à ce que les autorités fournissent encore beaucoup d’efforts pour que les femmes sénégalaises puissent pleinement bénéficier de leur droit à la santé.
Le Groupe de Travail  n’a pas manqué de soutenir la réforme du Code pénal en cours visant à élargir l’avortement médicalisé en cas de viols et d’inceste.

Des progrès notés sur la parité et l’éducation des filles

Mme Aouij a souligné que le Sénégal a enregistré des progrès considérables dans la participation des femmes à la vie politique. « En réalité, grâce  à la loi  sur la parité en 2010, le pays se place aujourd’hui au 7ème rang mondial quant au nombre de femmes parlementaires qui constituent 42,7% de l’Assemblée nationale avec 64 femmes sur 150 députés », a informé l’experte.
Le Groupe de Travail s’est également inquiété tout particulièrement de l’accès à la terre très limité et inégalitaire pour les femmes. Mais, il s’est réjoui d’apprendre qu’une réforme du foncier est en cours et espère que des quotas seront instaurés pour assurer un accès égalitaire à la terre. De même, Mme Aouij s’est félicitée de constater que le Sénégal a atteint la parité de genre dans l’accès à l’éducation primaire. « Le taux brut de scolarisation des filles est passé de 62,3% en 2000 à 98,6% en 2011, contre 71,9% en 2000 et 89,5% en 2011 pour les garçons », a-t-elle noté.
Toutefois, le Groupe a manifesté sa grande préoccupation et indignation quant aux violences sexuelles subies par les filles dans les écoles et au nombre croissant de grossesses précoces. La présidente du Gt de l’Onu a considéré inacceptable qu’à l’école, censée être un environnement éducatif et protecteur, des filles soient abusées sexuellement et ce, souvent par leur enseignant. Tout comme les élèves, le Groupe de Travail a également pu constater que les femmes travaillant en tant qu’employées domestiques sont souvent victimes d’exploitation, de violences sexuelles. A cet égard, le Groupe  a recommandé la ratification de la Convention 189 sur les travailleurs domestiques et d’adopter des mesures urgentes pour assurer un travail décent pour toutes les travailleuses.
D’après Mme Aouij, les conclusions et recommandations de cette visite seront développées dans un rapport qui sera présenté au Conseil des droits de l’homme en juin 2016.

Maguette Guèye DIEDHIOU

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