
Ce batifolage veut se placer dans le sillage d’une contribution de mon ami Mary Teuw Niane, intitulé « Des mots qui disparaissent ». Je pense pouvoir me réclamer de son amitié pour l’avoir rencontré pour la première fois et vécu avec lui, en camarades, pendant vingt mémorables jours, à Cuba, pendant le 11ème festival mondial de la jeunesse en 1978.
Ensemble nous avons découvert, avec surprise et émerveillement, au détour d’une rue et dans un minuscule parc de la Havane, le sérénissime Chapotin, avec sa trompette magique, Fumer en attendant la fille de ses rêves « Fumando espero… ». Nous avons admiré Pancho El Bravo à l’université de La Havane et nous nous sommes ensemble étonnés de l’énorme prestation du virevoltant Bacallao de la Orquestra Aragon. Cerise sur le gâteau, nous avons diné avec Rafael Lay, mythique chef d’orchestre du même groupe dans une famille des Comités de Défense de la Révolution. Nous n’oublierons jamais cette communauté afro-cubaine, dont les rites nous ont si fortement rappelé notre Ndeup national, si cher aux Lébou, ni le fameux discours de Fidel Castro devant la prison de la Moncada à Santiago de Cuba le jour anniversaire de l’attaque de cette bastille cubaine marquant le début de la révolution.
Pour une fois, un grand esprit, plus attendu sur le terrain du débat politique, nonobstant sa stature scientifique et intellectuelle en général, s’est « permis » une innocente réflexion sur l’existence de plus en plus méconnue de mots sénégalais, pour ne pas dire Wolof. Il a choisi les exemples d’étoile filante et météorite. Je dois avouer que j’avais moi-même oublié le premier et carrément flanché sur le second.
Cette contribution, à mes yeux, luit comme un rayon de soleil dans ce tohubohu de vulgarité et de haineuse adversité qu’on nous sert quotidiennement en guise de débat.
A mon tour de signaler un autre phénomène linguistique, l’éviction progressive de deux sons wolof : les sons ‘’X’’ ou ‘’Q’’ dans l’alphabet wolof présents dans des mots comme ‘’xaliss’’ l’argent et ‘’naqar’’ la douleur. En effet, qui n’a pas remarqué comme une disparition progressive de ces deux glottales ? Il y a un moment je me suis demandé (à tort) pourquoi tous les jeunes présentateurs du journal en wolof de toutes les chaînes de radio et télévision du Sénégal sont des Hal Poular. Cette question je me la suis posée, surtout en pensant à mon ami Kalidou Gako qui prononce très bien tous les mots wolof qui comportent le son ‘’kh’’ ou ‘’q’’ sauf le mot ‘’khaliss’’ qu’il prononce invariablement kaliss et peut être aussi le proverbial xotu saaku. Je me suis encore posé la question parce qu’il y a une tendance notable, lourde à ne plus prononcer les sons X et Q. D’entendre des locuteurs wolof journalistes ou non prononcer des mots comme nakar au lieu de naqar, sek au lieu de seq, bankaass au lieu de banqaas n’est certes pas dramatique, car les langues ont pour caractéristique principale la faculté de varier selon les temps et les milieux géographiques ou même sociologiques.
Mon questionnement n’est donc nullement un jugement mais cherche à susciter des réponses à une tendance toute nouvelle et qui s’est subitement généralisée. Une autre raison à mon questionnement c’est de battre le fer pendant qu’il est chaud ; que le débat que M. T. N. cherche à instaurer sur des questions peut être plus légères mais qui ont l’avantage d’être plus consensuelles ne s’estompe avant que d’être engagé.
Pape A. CISSE,
Ancien formateur, traducteur interprète