Bassirou Sélémane NDIAYE

Un célèbre homme religieux connu pour son calme et sa sérénité avait violemment réagi lorsqu’un proche pointa un fusil sur lui. Quand celui-ci voulut le rassurer en disant que le canon était vide, l’homme religieux rétorqua de façon très ferme : « si le canon est vide, alors pointez le vers le vide ».
L’Occident en formatant certains de nos grands diplômés, expression plus appropriée que celle plutôt abusive et flatteuse « d’intellectuels », a réussi à leur faire adopter ses logiques. Ils acceptent ainsi que l’apologie du nazisme est condamnable, brûler un billet de banque est un délit, prendre une photo d’une installation militaire est un crime, et peut-être… « Israël ne fait que se défendre contre les terroristes arabes sic », en massacrant quotidiennement femmes et enfants.
Pour l’Occident et ses affidés, on peut brûler les livres saints mais ne jamais s’en prendre à leurs drapeaux qu’ils considèrent comme sacrés, mettre en dérision des prophètes en les caricaturant, peut-être aussi reconnaitre « les bienfaits de la colonisation » sans jamais toucher au principe sacro-saint de leur unité nationale et leur intégrité territoriale, fruit des accords de Yalta … au nom de la liberté de pensée. Ce sont ces certitudes acquises qui les amènent à reconnaitre le droit des conjoints à des partenaires multiples, en acceptant le droit à l’adultère tout en condamnant la polygamie.
Le lourd tribut payé par notre peuple ces quarante dernières années autour du conflit casamançais, ce n’est pas un sujet d’histoire ou de philosophie pour des repus dans un salon de thé. Les milliers de morts et de mutilés, la stagnation de l’économie nationale et plus particulièrement locale, la dislocation des familles, la mise en place d’une « économie de guerre » avec ses pratiques mafieuses, imposée à une jeunesse (trafic de ressources, culture et consommation de substances illicites etc.), ont fortement ébranlé nos certitudes. Il convient de rendre hommage à tous ceux qui ont contribué au prix de leur sang et de leur sueur, parfois de leur vie, à circonscrire le brasier. Qu’on nous laisse cicatriser nos plaies au lieu d’y mettre un couteau !
C’est une posture courageuse qu’une aventurière en mal de sensations et ou certainement envoyée comme une ogive sur la république qui se remet de ses traumatismes endogènes et exogènes en remettant en cause les rapports coloniaux à l’origine du mal soit remise à sa place par les plus hautes autorités du pays. C’est pourquoi, la promptitude des défenseurs de la « liberté de pensée » à condamner les hautes autorités de leur propre patrie fait froid dans le dos. Qu’elle reçoive au nom de la « liberté de pensée » le soutien de ceux qui ont peur de porter leur thiaya en occident ou mettent en veilleuse leurs secondes épouses en attendant les vacances de peur de frustrer leurs mentors, leurs chapelets et leurs gowé à l’abri des regards pour être considérés comme « normal », est une honte. Comment défendre un rejeton colonial en lui laissant la liberté néocoloniale, de justifier à partir de décisions coloniales la division de notre nation en tribus sans liens, et légitimer un bain de sang entre frères ?
Les douloureux évènements qui ont secoué la république ce n’est pas un sujet tabou. C’est une épreuve dont chacun de nous a gardé des stigmates comme des traces au fer rouge sur notre organisme. Comme la guerre de sécession qui est certainement un des événements fondateurs des USA, la guerre du Biafra, celle de cent ans en Europe, c’est une page de notre histoire que nous assumons et tentons de digérer pour bâtir un monde meilleur. Souffler sur l’âtre, donner raison ou légitimer la guerre fratricide c’est banaliser le sang versé par notre peuple, comme naguère François Mitterrand réagit à l’annonce du début du génocide rwandais. « Chez ces gens-là, c’est normal » SIC.
Cette sortie est bien la part d’une « chercheuse d’histoire » au sens sénégalais du terme plutôt qu’un simple avis d’historien, un second front semblable à une fenêtre ouverte à ceux qui viennent d’être refoulés par la porte de l’histoire. Le moment choisi devrait interpeller ceux qui croient naïvement trouver auprès d’elle une alliée pour troubler « le Projet ». C’est à notre unité nationale qu’elle s’attaque et c’est bien de le savoir, quelles que soient par ailleurs nos orientations idéologiques et politiques du moment.
Retenez bien Madame « la chercheuse d’histoire » que nous nous moquons bien de vos sources. Vraies ou fausses, elles ne sont autres que les comptes rendus de décisions coloniales, des procès-verbaux d’accords entre des colons méprisants, ayant permis de mettre dans des enclos différents des frères et sœurs considérés comme du bétail pour tirer le maximum de chaque partie. Ne jouez pas avec notre histoire qui n’a pas besoin des témoignages du diable !
BANDIA, NOVEMBRE 2024
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